Le sentiment d’être libre dans ces choix et ses actes, est un sentiment fort dont nous n’aimons pas nous départir. Croire que le monde est juste, que nous contrôlons nos actes et que notre pensée et inviolable, est encore ce qui nous permet de vivre plutôt que de survivre.
De nombreuses expériences ont déjà montré combien tout s’effondre autour de nous lorsque l’on perd ces croyances.. Paradoxalement, cette liberté de choix est une des plus puissantes contraintes que nous ayons.
La théorie de la réactance du psychologue Jack Brehm (1981) explique comment une personne dont la liberté personnelle est réduite ou menacée tente de vouloir retrouver une certaine marge de manœuvre.
Selon lui, un comportement considéré comme « problématique » devient – ou redevient – plus attractif si une intervention remet en cause, ou met au défi, la liberté individuelle.
Si l’on prend l’exemple de l’édition et plus particulièrement des biographies, celles qui, actuellement, font vendre sont les fameuses « biographies non autorisées », entourées d’un parfum de scandale et de secrets inavouables. Ce « non autorisé » est un argument de vente fort, mis en avant par les éditeurs pour appâter le chaland.
Cette stratégie de vente recourt au principe de réactance psychologique, en l’utilisant pour influencer des comportements en matière de consommation. L’utilisation commerciale de ce principe est parfaitement cynique car elle repose sur une manipulation du consommateur à qui l’on fait croire qu’il est libre d’acheter quelque chose qui, en principe, au départ, est défendu.
La théorie de la réactance psychologique met donc bien en évidence que chaque fois que notre liberté de choix se trouve limitée ou menacée, nous attachons soudain plus de valeur à ce choix par le fait qu’il devient inaccessible.
Cet article décrit parfaitement par quel processus un individu va réagir lorsqu’ il se devine l’ objet d’ une tentative d’ influence : il va développer des résistances plus importantes (celles-ci pouvant se traduire par vouloir faire ce qui est interdit … ou par refuser ce vers quoi on voudrait le diriger ).
Cela me conduit à revoir ce terme de réactance et à constater qu’ il est parfaitement approprié à l’ acception qui en est faite en psychologie.
Ce terme attesté en France dès 1894 semble dérivé du verbe anglais to react (réagir). Il est utilisé en Physique pour expliciter la « résistance » d’ un circuit électrique en régime alternatif (par exemple notre alimentation domestique à 50 Hz).
Le plus souvent, la « réactance » est définie de façon très simple comme la quantité à ajouter à la résistance ordinaire d’ un circuit (résistance passive), lorsque celui-ci fonctionne en régime alternatif et qu’ il contient des bobines d’ induction et/ou des condensateurs.
Cela afin de rendre compte du courant réel circulant alors dans le circuit.
On peut se demander : pourquoi cette dénomination « réactance » pour le terme ajouté à la résistance passive ?
Je vais décrire brièvement ce qu’ on observe dans le cas d’ une bobine d’ induction (par exemple le bobinage de fil rencontré dans un haut-parleur).
En courant continu (celui généré par une pile ou une batterie par exemple) seule la résistance du fil qui constitue la bobine d’ induction intervient dans le calcul de l’ intensité du courant circulant dans le circuit.
En courant alternatif apparaît un effet d ‘ «induction ». Le courant alternatif variable en intensité à chaque instant, produit une perturbation au travers du bobinage et la bobine va « réagir » de façon à s’ opposer à cette perturbation.
Cette réaction est proportionnelle à la « vitesse » de variation du courant alternatif (sa fréquence) et dépend bien sûr d’ un facteur qui caractérise le bobinage ( nombre de spires, géométrie ) appelé « inductance ».
L’ ensemble de ces facteurs constituent la REACTANCE de la bobine d’ induction.
Le cas d’ un condensateur s’ analyse de façon semblable et conduit également à l’ ajout d’un terme de réactance.
Dans tous les cas on peut souligner les caractéristiques de la réactance :
1 -On se trouve en présence d’ une réaction traduisant une « opposition » à tout ce qui provoque un passage à un état hors de l’ équilibre naturel du circuit.
Par transposition : opposition à tout ce qui provoquerait une perte de contrôle naturel de soi .
2 -L’ intensité de cette « réaction » est directement liée à la cause qui provoque la perturbation : ici la fréquence du courant alternatif.
Par transposition : par exemple une défiance croissante des consommateurs face au marketing, et en conséquence une perte des pouvoirs de l’ entreprise sur sa cible via ce type d’ outil.
Ce qui me semble important est que cette notion, vue ici sous l’ angle de la Physique, est très fondamentale et de ce fait parfaitement transposable hors de ce champ.
Et c’ est précisément ce qui fut réalisé par Brehm et que nous relate cet article.