Noël, magie des fêtes, ferveur d’une messe de minuit sur fond de paysage enneigé, santons pittoresques plantés autour d’une crèche en carton plus vraie que nature, sapin enluminé scintillant de boules et de cheveux d’ange pailletés, solennité attendrissante de petits bouts de choux récitant des fables devant des grand-mères émues, délicieux relents de chocolat et de cannelle, retrouvailles familiales sur fond de dinde et de marrons : le bonheur à l’état pur, une parenthèse enchantée marquée par le désir de vivre en harmonie ces quelques jours de « trêve des confiseurs ».
Voilà pour l’image d’Epinal. La réalité est autrement plus chaotique, et la trêve, parfois, ne dure que quelques heures, si ce n’est quelques minutes. Les fêtes de fin d’année, pour certaines, sont aussi de forts moments de stress, des périodes de tension rythmées par la course aux cadeaux dans des magasins bondés, la responsabilité de réunir les autres chez soi en tâchant de faire pour le mieux, la réapparition de vieilles rivalités entre frères et sœurs, la résurgence d’un sourd sentiment de détresse, l’impression d’être la mal-aimée ou le dindon de la farce, la nostalgie douce-amère provoquée par l’absence d’êtres chers.
Entre états d’âme et soucis domestiques, peines de cœur fugitives et blessures d’amour-propre, il faut le dire, à Noël, on n’est pas forcément à la fête.
Un travail monstre
Ne pas savoir dire non est un handicap. Pas un psy ne dira le contraire. Comme par hasard, les « Madame Oui-Oui » se retrouvent aux manettes quand il s’agit de préparer les fêtes et de recevoir la famille. Animées du désir de bien faire et toujours en quête de reconnaissance, elles se sont même parfois proposées d’elles-mêmes, tout en se maudissant de la faire. Orgueilleuses, elles n’ont su résister à la flatterie et se mettent en quatre pour réussir une fête dont on parlera encore dans vingt ans. Bonnes poires ou éternelles victimes (cocher la case qui vous convient), elles n’ont su refuser quand tous les regards ont convergé vers leur modeste personne et vont s’échiner pendant des semaines, malgré de maigres moyens, à concocter un Noël mirobolant.
L’argent, toujours l’argent
Dans les fratries, les rivalités et les rancœurs qui ont nourries des adolescences difficiles remontent souvent à la surface quand chacun est « installé ». Entre sœurs, outre l’habillement, les bijoux et le train de vie, une sorte de chagrin jaloux est souvent provoqué par les enfants, ceux des autres étant plus sages, plus studieux, plus brillants, plus beaux, bref plus tout. Entre hommes, on reluque la voiture du frangin, et les signes extérieurs de richesse : appartement, lieu de vacances, caméra, téléviseur, ou même briquets et stylos. Là où le bât blesse et provoque quelques régurgitations plutôt aigres, c’est quand il y a une trop grande disparité financière. Exacerbée car mise en évidence au moment de Noël justement.
Et quand on est seul…
Si les retrouvailles familiales ravivent parfois les rancœurs enfouies depuis des années, elles sont aussi difficiles à vivre pour les esseulées. Celles qui, au quotidien, s’assument gaiement, célibataires ou « célibattantes » de choc, toujours prêtes à mener la danse, se retrouvent l’âme en berne, enfoncées dans un coin de canapé. Les lumières dorées des guirlandes et les lueurs des flammes dans la cheminée répandent une chaleur qui en fait grelotter intérieurement plus d’une. Dans le brouhaha et les rires, les cris des enfants et les bavardages animés, on se sent cafardeuse, seule, étrangère à toute cette agitation. D’un seul coup les années comptent double et l’on se voûte moralement sous le poids des illusions perdues.
Nombreux sont ceux qui refusent de festoyer à date fixe, s’enferment pendant 24h avec leur télé pour seule compagnie ou s’envolent vers des ailleurs ensoleillés proches ou lointains. Pour le 1er de l’an rien à dire, chacun fait ce qui lui plaît. Noël, c’est une autre paire de manches. La famille, c’est sacré, ne pas s’asseoir autour de la table ou devant l’arbre, impardonnable. Alors on sacrifie au rituel même si le stress monte en flèche et que la céphalée de tension pointe son nez.
Avant toutes choses, ne rêvons pas: personne n’est parfait, pas plus notre famille que celles des autres. Respirons tranquillement, avant la soirée ou le repas de fêtes. Soyons prêts à aimer tout le monde, à nous extasier sur toutes les dindes d’aquitaine ou de Bratagne et à nous pâmer d’aise devant le sapin ! C’est magique…