Le point de vue de Gilles d’Ambra, psycho-sociologue : « Le radin est un constipé qui a peur d’avoir la diarrhée »
« La radinerie est un comportement anxieux, donc on peut la trouver chez des gens qui ont vécu des situations précaires. Mais la radinerie donne un sentiment de pouvoir, de contrôler les évènements. Comme l’anxieux vit dans l’attente du malheur, le radin ne veut pas courir le risque d’être débordé par des événements extérieurs ou intérieurs. Il se comporte comme un constipé qui a peur d’avoir la diarrhée. Si je me laisse aller à la générosité, je risque de tomber dans la prodigalité. A la base, il y a une peur de soi, un manque de confiance en soi.
La radinerie c’est le pouvoir sur le plaisir de l’autre et donc sur le sien. Quand il y a rétention, ensuite, le plaisir est plus vif. Un radin n’est pas tout le temps radin. Le jour où il se lâche, il se fait vraiment plaisir et c’est plus intense. Ce n’est pas du tout un processus masochiste. L’avare non plus d’ailleurs, c’est un sadique plutôt, il ne donne rien de lui-même et jouit de dire non.
Sociologiquement, on trouve plus de radins chez les personnes qui bénéficient d’une certaine prospérité. Pour être radin il faut bien avoir peur de perdre quelque chose. À ne pas confondre avec des comportements d’économie ou d’amassage. En Bretagne, dans le pays bigouden, on ne jette rien, même si cela n’a pas de valeur. Surtout les gens âgés, anxieux, qui échafaudent des remparts par rapport au monde extérieur.
Les radins ont un comportement défensif. Les uns et les autres sont de pauvres gens. Mais ils ne jouent pas dans la même cour. L’avare, c’est un archétype, c’est Molière, c’est Oncle Picsou. Les radins, c’est tout le monde, vous, moi.
Le radin donne peu. Il n’est pas généreux, il peut s’habiller chez Tati et donner un monceau de coups de fil pour avoir des places gratuites. Il n’est pas dans la privation de la jouissance, il est dans le profit. D’un côté il donne le moins possible, de l’autre, il parasite.
Empli d’un sentiment de toute puissance, le radin est astucieux, rusé, débrouillard et, en plus, il s’imagine beaucoup plus futé que les autres, supérieur aux autres puisqu’il réussit à se procurer des choses à moindre frais. Il obtient un bénéfice financier et narcissique. C’est quelqu’un qui a une haute estime de soi, mais il est instable, toujours obligé de se prouver quelque chose à lui-même. »