De routine en frustrations, d’ennui en infidélités, d’indifférence en rancœurs, le silence s’installe et le malaise gagne le couple. À un certain moment, cela pèse si lourd que l’on étouffe ! Certains en arrivent même à se haïr. Et pourtant ils restent ensemble…
Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… Un vrai conte de fées. Dans la réalité, c’est une autre paire de manches. Aujourd’hui, passer son existence auprès de sa tendre moitié est devenu un exercice de plus en plus périlleux. Soyons réalistes : il n’y a pas de couple sans histoires.
Nombreux sont les thérapeutes qui pensent que le conflit est bénéfique et permet à chacun de fixer ses limites, de formuler des demandes et d’affirmer sa personnalité. Querelles, disputes et chamailleries sont le lot quotidien d’un couple qui va bien. « La relation de couple, remarque Serge Hefez, Psychiatre et thérapeute familial, est un processus de développement qui évolue par succession de crises ».
Se disputer fait partie d’un folklore consenti. Mais quand les mises au point deviennent de plus en plus musclées, quand la vie chavire à chaque instant ou, pire encore, quand le couple s’enfonce dans une touffeur tropicale zébrée d’éclairs de colère rentrée, rien ne va plus.
Tout le monde essaie de redresser ce radeau qui dérive, chacun y va de son conseil et se heurte à un mur infranchissable. Enfermés dans une bulle hostile où le mode de communication est devenu étranger à tous sauf à eux-mêmes, prisonniers d’un rituel primitif et malsain, les deux partenaires, indissociables dans la haine ou l’indifférence comme ils l’ont été dans l’amour, dérivent lentement mais sûrement, unis jusqu’à ce que mort s’ensuive. Non-dits et souffrances conduisent à des discordes sans issue.
La tyrannie domestique et la sainte télé
« Il faut, tu dois, n’oublie pas, pense à…», ordres et exigences se succèdent, déclinés sur un ton impérieux. Situation fréquente quand le mari prend sa retraite et regagne un foyer où son épouse à régné sans partage. Les injonctions répétées viennent percuter de plein fouet un état de stress latent qui ne demandait qu’à se réveiller. En quittant définitivement son bureau, l’homme ne pensait pas endosser le costume d’un laquais et, dés potron-minet, être chargé de toutes les corvées domestiques depuis le lait pour le chat jusqu’au changement de filtre de l’aspirateur.
Quand le quotidien est monotone et que l’ennui se distille au compte-goutte, la relation du couple en pâtit. Plus rien à raconter, plus rien à se dire. S’installer devant la télévision et attendre que le temps passe devient une habitude. Même si les programmes sont poussifs, même si rien n’intéresse vraiment, on regarde défiler des images jusqu’à se perdre dans le sommeil, là, dans un fauteuil, effondré. Tout plutôt que d’aller rejoindre l’autre et faire l’effort de l’écouter, de répondre, de bouger.
Tout le temps malade
Si, le plus souvent, les femmes sont attirées par des hommes protecteurs, les hommes, eux, sont séduits par leur apparente fragilité. Les langueurs féminines sont attendrissantes et la femme-enfant a encore de beaux jours devant elle. A condition de rester éternellement jeune. Vieillissante, elle devient une poupée fanée, dont les plaintes continuelles agacent sa moitié.
« Lili, se souvient Bruno avec nostalgie, était ravissante quand je l’ai épousée. Elle avait un genre un peu hippie, les cheveux longs et bouclés, de grands yeux bleus, un teint diaphane…et elle était souvent souffrante. Après le départ de nos deux enfants, elle s’est laissée aller, se plaignant à chaque instant, toujours déprimée.
Je vis avec une femme repliée sur elle-même, qui se traîne du matin au soir. Moi, à 55 ans, je suis en pleine forme, j’aime la vie, et si l’on dit qu’on se marie pour le meilleur et pour le pire, pour moi, il y a longtemps que le meilleur est passé. »
Abstinence et frustrations
Au fil des jours la relation du couple finit par s’user, les moments de vie commune et de partage se réduisent à une peau de chagrin. La vie sexuelle n’échappe pas à la décadence : souvent elle se réduit à une simple formalité. Les corps sont en panne et les cœurs se mettent en grève. L’ennui tue le désir, le devoir conjugal est un pensum sinistre et l’indifférence de l’un provoque une souffrance indicible chez l’autre.
Dans la plupart des couples le désir sexuel diminue au moment même où il y a une grande sollicitation : films, magazines, publicités, la sexualité est partout. Autrefois les couples s’accommodaient de la baisse de la libido, aujourd’hui l’injonction extérieure rend le quotidien difficile. Face à la demande de l’un, l’autre choisit la fuite… Seule la tendresse permet à la longue de retrouver une intimité corporelle.
Tics et manies
Le Prince Charmant n’a pas de défauts. Notre amoureux non plus. Notre mari, si. Mais on ne les voit pas. Puis on les voit et on les aime : sa manie de casser le filtre des cigarettes américaines, de remuer sa monnaie dans sa poche en discutant, de claquer les portes, d’étudier les factures au microscope…Jusqu’au jour où les petits travers deviennent insupportables.
Après la période amoureuse, vient la désillusion et le moment de faire le deuil de la perfection. Chacun voit l’autre tel qu’il est. On reproche souvent à quelqu’un ce pourquoi on l’a choisi. D’irrésistible la personne devient haïssable. Si on choisit une épouse maternelle par nostalgie de la mère, un jour cela deviendra insupportable car cela renverra à l’adolescence et à l’intrusion. Il faut faire la part des choses et savoir reconnaître ce qui relève de ses propres contradictions intérieures.
Trahison et mensonges
L’heure est à la transparence et au « tout se dire » dans les couples. Mais les spécialistes de la bonne santé conjugale conseillent de reprendre le chemin des jardins secrets et prônent le retour au mensonge par omission. « Il ne faut jamais dire la trahison », recommande le docteur Willy Pasini, psychiatre et sexologue.
Si l’on écoute ces experts, pour retrouver l’ivresse de l’amour avec un grand A ou pimenter sa vie sexuelle, il faut donc aller voir ailleurs. Et piétiner sans remords la confiance de l’autre. En provoquant parfois un séisme qui ne laissera personne indemne.
L’infidélité est la difficulté majeure du couple. Beaucoup essaient de s’en accommoder : on est infidèles ensemble, infidèle avec discrétion, infidèle en se le disant, infidèle un soir…Il faut se poser la question, la seule : est-on prête à supporter les incartades sexuelles de l’homme qu’on aime ? Ce type d’homme n’est jamais fidèle et toujours dans le déni. Peut-on accepter cette réalité ?
A lire :
-« Les 7 mensonges du mariage » de John Jacobs, chez First Editions.
-« Se séparer sans se déchirer » de Jocelyne Dahan, Editions Pocket.
-« On arrête, on continue ? Faire son bilan de couple », de Robert Neuburger, psychiatre, Editions Payot-Rivages
-« Le couple brisé » de Christophe Fauré, psychiatre et thérapeute de couple, Editions Albin Michel
-« Déliaison amoureuse », de Serge Chaumier, sociologue, Editions Armand Colin.