Plaisanterie habituelle et de mauvais goût quand on a la mémoire qui flanche « tu nous fait un Alzheimer ? », et de rire et de rire…Ce qui est moins rigolo quand même, c’est d’apprendre que un tiers des patients reçoit un diagnostic erroné de la maladie d’Alzheimer !
« Bof », dit-on avec un haussement d’épaules, « ça existe depuis longtemps, autrefois c’était tout simplement du gâtisme, ou de la sénilité« . Troubles du comportement, trous de mémoires à répétition, disparition des souvenirs proches et retour à des scènes couleur sépia, on a vite fait de dire qu’une personne, surtout si elle est un peu abattue, voire dépressive, commence un Alzheimer. Et d’accuser l’alimentation, les ondes ou le papier sulfurisé.
Les diagnostics erronés envoient les patients vers une médication erronée, donc une mauvaise prise en charge, et un traitement totalement inefficace.
Depuis une dizaine d’années, une équipe internationale de neurologues, coordonnée par Bruno Dubois (directeur du centre des maladies cognitives et comportementales à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière, chercheur à l’Inserm), cherche à mettre au point un algorithme plus simple et plus fiable pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs viennent de publier le fruit de leurs travaux dans la revue « The Lancet Neurology« .
Jusqu’à présent, peu d’études se sont penchées sur ces erreurs de diagnostic, sur la manière qu’ont les cliniciens d’y faire face et de les annoncer, ainsi que sur les conséquences de ces erreurs diagnostiques pour la personne, ses proches et son réseau social.
Maladie d’Alzheimer et faux souvenirs
La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative d’évolution progressive. Elle est la cause principale de dépendance lourde du sujet âgé et le motif principal d’entrée en institution. Elle commence bien avant le stade démentiel par l’apparition de troubles cognitifs diversement associés et éventuellement de troubles du comportement ou de la personnalité. L’évolution se fait sur plusieurs années avec l’apparition d’une dépendance progressive avec retentissement sur les activités de la vie quotidienne (toilette, habillage, alimentation, déplacement) et sur l’entourage.
En 2012, Merckelbach, Jelicic et Jonker ont décrit un cas de diagnostic erroné de « maladie d’Alzheimer » posé par un neurologue chez une femme de 58 ans, dans le contexte d’une évaluation très lacunaire. Les auteurs ont montré en quoi il existait des similitudes entre les conséquences de ce diagnostic erroné et le phénomène des faux souvenirs.
Il se trouve que la suggestion d’une information fausse est d’autant plus puissante dans la formation d’un faux souvenir qu’elle est fournie par une personne en qui l’on a confiance. De plus, l’information erronée affecte davantage la mémoire quand elle est répétée et connectée à des détails exacts. Dans le cas de la patiente citée plus haut, il faut préciser que le neurologue lui a indiqué de façon répétée qu’elle souffrait de la « maladie d’Alzheimer ». Dans la mesure où cette information a été introduite au sein de discussions concernant la mère de la patiente (qui avait, elle aussi, reçu ce diagnostic), la patiente a développé la ferme conviction que le diagnostic devait être correct.
La complexité d’un Alzheimer
Il apparaît de plus en plus clairement que la « maladie d’Alzheimer » ne constitue pas une entité diagnostique spécifique, tant au plan cognitif que neuropathologique.
En effet, il a récemment été reconnu que les déficits cognitifs, psychoaffectifs et fonctionnels associés à cette prétendue « maladie » peuvent prendre des formes extrêmement différentes.
Diverses études d’épidémiologie neuropathologique indiquent que le cerveau des personnes qui ont reçu le diagnostic de « démence » (y compris celui de « maladie d’Alzheimer ») présente fréquemment des caractéristiques neuropathologiques multiples (avec notamment diverses atteintes vasculaires), suggérant la contribution de différents types de mécanismes étio-pathogéniques.
Ces constats ont amené bon nombre de chercheurs et de cliniciens à défendre une approche qui réintègre les manifestations d’autres « maladies neurodégénératives », dans le cadre plus général du vieillissement cérébral, tout en considérant l’influence de différents facteurs de risque (absence d’activité physique et cognitive, stress, nutrition inadéquate, isolement social, problèmes de santé physique, toxiques environnementaux, etc).
Un nouveau diagnostic, plus fiable
De nombreuses études ont été menées permettant la mise au point d’un nouvel algorithme de diagnostic de la maladie, plus simple et plus fiable. Il repose sur un seul couple de critère clinico-biologique pour tous les stades de la pathologie. Il s’agit de la mesure de teneurs anormales de protéines cérébrales dans le liquide céphalo-rachidien.
Ces bio-marqueurs restent chers et sont pour le moment réservés à la recherche, afin d’inclure dans les essais thérapeutiques des patients réellement atteints de la maladie d’Alzheimer, ainsi que des patients jeunes ou des cas complexes.
Par ailleurs, des recherches sont menées pour permettre de dépister la maladie avant même que l’apparition des symptômes. Un test basé sur 10 marqueurs lipidiques sanguins semble montrer une bonne spécificité. Autant d’avancées importantes, quand on sait que la maladie d’Alzheimer pourrait toucher 1,4 millions de personnes en 2030…
(Sources: has-sante.fr/ mythe-alzheimer.org/psyfmfrance.fr/pourquoidocteur.fr)