Détester quelqu’un, l’exécrer, lui vouloir du mal, est un état psychologique qui déclenche parfois de la violence, physique ou verbale, tellement l’aversion pour l’autre est forte. Cette émotion profonde consume la personne qui l’éprouve et démolit l’autre. La haine détruit. La haine rend malade.
Une émotion tellement néfaste
C’est un affect glacé qui envahit celui qui l’éprouve. Ressentir fréquemment de la haine perturbe l’équilibre émotionnel. Elle provoque du stress, de l’anxiété, des phobies ou un comportement compulsif. Elle peut aussi conduire au repli sur soi voire à la dépression et provoquer des pathologies telles que hernies, urticaire, eczéma, psoriasis, asthme et douleurs de dos.
Les personnes qui sont dans cette rancœur, dans cette amertume, peuvent même souffrir de problèmes plus sérieux : maladies cardiovasculaires, troubles cardiaques, accidents vasculaires cérébraux, hypertension…
Le masque de la haine
L’effet de la haine est flagrant. Les traits du visage, sous le coup de cette émotion puissante, toujours accompagnée de colère, se métamorphosent en un masque de laideur. Les yeux lancent des éclairs, la bouche est déformée par un rictus.
Envahie par une colère froide, la personne perd sa lucidité, devient de mauvaise foi, malhonnête intellectuellement, perd sa probité. Nourrie de rancune, la haine permet à la personne qui l’éprouve de canaliser toute son énergie, de se concentrer sur un seul but. La détestation devient un véritable moteur.
Que fait notre cerveau pour alimenter une telle émotion ?
Ce sentiment active des circuits cérébraux qui lui sont propres. Et le niveau d’activité de certaines régions de ces circuits de la haine semble proportionnel au degré d’animosité éprouvé par les sujets. Au Royaume Uni, des chercheurs ont constaté que certaines régions du cerveau s’activaient quand des photos d’individus détestés étaient présentées aux patients qui suivaient les expériences.
Le circuit cérébral de la haine a un large tronc commun avec le circuit cérébral de l’amour, mais il se différencie au niveau du cortex préfrontal, région associée au raisonnement et à la planification des actions.
Autre découverte, faite par des chercheurs de l’Université de Miami : la rancœur et la haine activent le système de récompense dans notre cerveau. Nous avons gardé en nous une blessure non résolue et non guérie. Et nous imaginons pouvoir un jour avoir le plaisir de punir celui qui nous a blessé, ce sera une sorte de récompense.
Mais c’est une illusion et elle est fortement toxique.
La haine dans les fratries
La relation fraternelle est la relation la plus durable dans la vie d’un être humain. Pourtant, au sein de la fratrie, tous les jeux d’alliance et de conflit sont possibles. Et souvent ces jeux dépendent de la relation parent-enfant. Une tension entre frères et sœurs s’explique parfois par l’alliance entre un enfant et un parent.
Beaucoup de parents rêvent d’une harmonie totale entre leurs enfants. La réalité est toute autre. Aux rires, aux jeux et à la complicité succèdent les disputes et les conflits.
Dés l’enfance, la lutte pour attirer l’attention des parents, le partage d’un gâteau nommé amour maternel en parts égales, les préférences, avouées ou pas, sont facteurs de tensions et de rivalités à vie. Le lien fraternel est profondément ambivalent.
De l’adolescence, on arrive à l’âge adulte où la réussite professionnelle, les mariages brillants ou pas, les enfants et leurs études, leurs succès ou problèmes, vont réactiver des émotions anciennes, des jalousies enfouies.
La rivalité fraternelle peut engendrer de vraies souffrances. Tout y contribue : la place dans la fratrie, la différence d’âge, la personnalité de chacun.
Les successions attisent la haine
Le pic affectif est atteint à l’âge adulte, lors d’un décès et d’une succession. Les histoires de gros sous provoquent jalousie et malaise. Les successions sont le berceau de discordes violentes et durables.
Au sein de la famille, l’argent a une autre connotation : certains y mettent leurs attentes de reconnaissance, d’affection, et de positionnement par rapport aux autres. Les biens matériels engendrent des affects tels que la jalousie, la haine, ou la culpabilité.
Les espoirs déçus, les frustrations, bien enregistrés, et certains très anciens, donnent lieu à des règlements de compte. Quand les parents disparaissent, le respect de l’autre vole en éclats.
Les biens reçus valident définitivement notre importance, celle que nous avions aux yeux de nos parents défunts. Il faut parfois accepter de solder les comptes pour ne pas ouvrir des conflits sordides. Cela veut dire qu’il faut accepter, ce qui est douloureux, surtout quand, par exemple, il faut accepter de ne pas avoir été l’enfant préféré. Mais c’est ainsi que l’argent reprend sa seule valeur économique.
Sinon, la facture ne sera jamais réglée. Du moindre petit bibelot au plus beau château, tout exprimera le rejet, ou la préférence, et dans ce domaine de l’affect, l’argent deviendra une arme redoutable. Les règlements de compte peuvent se cristalliser sur des objets dérisoires, les rancœurs prendre des proportions invraisemblables.
Le sentiment d’injustice devient plus fort, d’autant plus fort qu’il concentre toutes les blessures de l’enfance…
(Sources : cairn.info/ nospensees.fr/ lemonde.fr)